Retrouvez Cendrillon, enregistré en 2012 par la Compagnie les Monts du Reuil
Cendrillon est le quatrième opéra-comique de Laruette : il a 29 ans lorsqu'il l'écrit. Jamais rejoué depuis 1761, c'est le sujet aujourd'hui universel du conte de Perrault dans sa première version scénique. Louis ANSEAUME offre un livret de grande qualité théâtrale, plein d'humour et de légèreté, teinté de double-sens libertin. C'est l'oeuvre d'une époque charnière de la musique française : le compositeur, Jean Louis LARUETTE, outre ses propres compositions, cite nombre d'airs populaires de l'époque, et des morceaux plus savants, qu'il emprunte à des compositeurs comme Jean-Philippe RAMEAU.
Préface de l'édition des oeuvres d'Anseaume
Le conte de fée, intitulé Cendrillon, a fourni à notre auteur le sujet d'une pièce qui porte le même titre, Cendrillon, ainsi nommée par deux soeurs qui la jalousent & qui la maltraitent, n'a pour tous ornements que sa beauté ; mais une fée, sa marraine, la protège : c'est elle qui la fait paraître au bal du prince Azor, sous un extérieur magnifique. Elle a mis ce prince dans ses fers, mais obligée de se retirer du bal avant minuit, sous peine de déplaire à la Fée ; elle a disparu avec tant de promptitude, qu'une de ses mules est restée au pouvoir d'Azor. Il veut absolument retrouver l'inconnue à qui cette mule appartient : pour y parvenir, il fait publier au son du tambour, qu'il veut choisir une femme parmi les plus belles personnes de la capitale. Toutes y accourent, Cendrillon y vient comme les autres & malgré ses haillons, elle obtient la préférence. L'auteur a tiré de ce sujet tout le parti possible, & a su le rendre fort théâtral ; on y trouve divers endroits d'un naturel piquant, d'autres où le sentiment parle son vrai langage.
Ce qu'on en a dit à l'époque
Mercure de France : 21 février 1759 (p.199) Le 21, on a donné pour la première fois celui de Cendrillon ; c'est exactement le sujet du conte de Perrault, mis en scène : l'action s'anime et devient très agréable. Cet ouvrage est écrit avec facilité, et le poète a suivi le goût naïf et léger du Conteur, dans le style et dans le dialogue.
Anecdotes dramatiques 1785 Tome I, page 187 Cette pièce est l'histoire de feu Thévenard, célèbre Acteur de l'Opéra, qu'une pantoufle, étalée sur la boutique d'un Cordonnier, rendit, à l'âge de soixante ans, éperdument amoureux d'une Dmoiselle qu'il n'avait jamais vue, qu'il découvrit, & de laquelle il fit sa femme.
Au XIXème siècle
Cendrillon : Dictionnaire lyrique - Félix Clément - P. Larousse - 1869 Opéra-comique en un acte, paroles de Anseaume, musique de Laruette, représenté à l'opéra comique le 21 février 1759. L'auteur est moins connu maintenant comme compositeur dramatique que comme auteur, parce que, jouant les rôles de père et de tuteur, plutôt qu'il ne les chantait, il a donné son nom à l'emploi des acteurs sans voix dans ces sortes de personnages.
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Aujourd'hui
1968
Jean-Louis Laruette, chanteur et compositeur, par Paulette Letailleur, recherches musicologiques VIII
Au début de l'année 1759, entre la création des Aveux indiscrets, la première oeuvre de Monsigny (7 février), et celle de Blaise le Savetier de Philidor (9 mars), où il campa un Monsieur Pincé inoubliable, Laruette fit jouer Cendrillon sur un livret d'Anseaume (21 février). Cette oeuvre charmante fit un tel plaisir que les représentations continuèrent jusqu'à la fin de la foire à la veille de Rameaux ; Laruette y retrouvait un rôle de ses débuts en interprétant le Prince charmant : Azor. Car il n'avait pas tout à fait abandonné l'emploi de jeune premier au profit des pères et des tuteurs ; l'année précédente il avait crée le rôle de Gilles de Gilles garçon peintre avec une verve et une jeunesse inimitable. Cendrillon, comédie sentimentale, presque féérie, est le prétexte d'airs tendres et délicats qui nous montrent un Laruette sensible, délaissant les clameurs et les grands airs imités de l'opéra, un Laruette qui s'exprime en demi-teintes et cherche à émouvoir et à intéresser par le seul moyen d'une musique dépouillée qui touche directement les "coeurs sensibles". Mais de même que cette pièce charmante est une exception dans l'oeuvre de son auteur, elle diffère des autres opéras-comiques contemporain, tant par l'intrigue, que par le caractère ingénu et tendre de sa musique, et elle nous apparaît aujourd'hui comme le chef-d'oeuvre de l'opéra-comique avant Philidor.
2010
Perrault en scène, transpositions théâtrales de contes merveilleux 1697-1800 (espace 34)
Cendrillon, opéra-comique, de Louis Anseaume (1759) (Foire Saint-Germain) Notice de Jeanne-Marie Hostiou, Judith Le Blanc, et Jean-Charles Léon
Autour de l'exposition Cendrillon à la BNF Cousine des contes licencieux du XVIIIe siècle, la Cendrillon de Louis Anseaume (1721-1784), première adaptation théâtrale dans le temps de notre conte (1759), baigne dans un érotisme galant. Point de souffrance au coin du feu, ni d'annonce de bal à la cour. Le début de la pièce se passe au lendemain du bal où la jeune fille n'ose avouer à sa marraine, ce qu'elle a perdu dans la nuit. Les dialogues libertins devaient indubitablement entraîner des rires salaces. Ce triomphe du badinage coquin s'achève sur l'essai de la pantoufle par le prince lui-même, au milieu de la cour.
QUESTIONS CONCERNANT L'INTERPRÉTATION
Rejouer Cendrillon aujourd'hui n'a pas été sans poser beaucoup de questions, notamment à cause du grand nombre de vaudevilles que l'on trouve dans le livret. Nous avons donc choisis, en accord avec les choix du metteur en scène, l'option suivante :
- le texte du livret d'Anseaume est gardé dans sa quasi-intégralité : seules quelques répétitions ou lourdeurs sont coupées.
- la musique écrite ou choisie par Laruette est redonnée telle quelle : nous respectons notamment le choix que l'alto, comme très souvent dans la musique italienne (la querelle des bouffons est passée par là...) double la basse, ce qui donne une couleur très spécifique aux airs.
- le choeur final, dont la musique n'existe plus, a été emprunté à Zoroaste de Rameau.
- nous avons enfin ajouté une ouverture en 3 mouvements de Laruette, empruntée au diable à quatre.
Pour les vaudevilles, voici les options que nous avons choisies :
- lorsque nous avons retrouvé l'orchestration originale de certains d'entre eux, nous respectons ce qui a été composé : Que je vous aime de Lagarde, La sarabande d'Issé de Destouches, Préparons-nous pour la fête nouvelle de Lully...
- pour La Furstemberg, nous avons pris la version de Corette pour clavecin, pour La Folia, la version de Geminiani.
- pour les vaudevilles où nous n'avions que la mélodie, nous avons confié l'harmonisation à Emmanuel Clerc (version 2010)
- lorsqu'il nous manquait des vaudevilles, ou lorsque le théâtre l'exigeait, nous laissons les chanteurs parler.
- enfin, nous avons demandé à Emmanuel Clerc, compositeur, d'écrire des petites pièces.
Cendrillon de Jean-Louis Laruette est écrit sur 12 airs et 80 vaudevilles; on n'a malheureusement pas retrouvé la musique du choeur final, écrit par Laruette.
Le premier air est une parodie de Rameau pour violon et hautbois sur l'air La sagesse est de bien aimer (Texte original : La sagesse est de bien aimer, Et d'aimer toujours sans partage, On est heureux si l'on peut s'enflammer; Si l'on est constant, on est sage) Suit un Récitatif de Mr la Ruette, puis une ariette de Mr Duny Le moyen de faire autrement. L'air n°4 est de Laruette, ainsi que le 5 : Les yeux baissés par modestie. Suit une ariette de Mr Duny. Viennent ensuite un monologue de Mr de la Ruette, une ariette de Mr la Ruette (Fort et marqué) pièce centrale dans le ressort comique: c'est le moment où les deux soeurs se disputent les services de Cendrillon. Dans la deuxième partie, tous les airs sont de Laruette : O toi qui me punit de mon indifférence, air gay, récitatif par Mr de la Ruette Avant de vous connaître, j'adorais vos appas, et enfin le duo final (gravement) L'éclat de la grandeur suprême. Tous ces airs sont entrecoupés de vaudevilles. Ce qui surprend, c'est le peu d'airs écrits par Laruette lui-même ; ils sont cependant d'une grande qualité musicale, d'une poésie qui les rend assez facilement identifiables.
Cendrillon, comédie sentimentale, presque féérie, est le prétexte d'airs tendres et délicats qui nous montrent un Laruette sensible, délaissant les clameurs et les grands airs imités de l'opéra, un Laruette qui s'exprime en demi-teintes et cherche à émouvoir et à intéresser par le seul moyen d'une musique dépouillée qui touche directement les "coeurs sensibles" Paulette Letailleur dans "recherches musicologiques"
Hélène Clerc-Murgier
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